A l’ère du cosmos il peut paraître anachronique de se préoccuper de questions nobiliaires, héraldiques et généalogiques, symboles
d’un passé bien méconnu par beaucoup et jugé même désuet. En fait il n’en est rien et l’étude de ces domaines montre combien
le Passé est proche du Présent – quant même il ne s’interfére pas avec lui comme c’est le cas pour la République de Saint-Marin
; elle démontre aussi qu’en la période de matérialisme exacerbé que nous traversons –et qui n’est pas la première dans l’Histoire,
ni la dernière sans doute – c’est une source de délassement intellectuel et spirituel. L’étude des classes sociales, de
leur évolution et de leurs caractéristiques est en effet la trame vivante de l’histoire d’une cité, d’une région, d’un Etat.
La petit groupe d’érudits chercheurs de notro époque se plait donc de plus en plus à classifier ces études sur tels ou
tels sujets. Nous-même n’avons pas craint dans notre étude sur les Titres Pontificaux en France de présenter dans un même
recueil un ensemble de familles très différentes entre elles sans aucun doute, mais possédant cependant toutes un même trait
d’union grâce auquel forment un Tout. Jusqu’à présent – encore qu’on en ait souvent parlé – les titres et la noblesse
de Saint-Marin demeuraient assez ignorés ou mal connus. Mais qu’est Saint Marin ? Juchée au sommet du Mont-Titan sur
le versant oriental des Apennins à quatre vingt cinq kilomètres de Florence, la ville-forte de Saint-Marin capitale de la
République de ce nom se dresse depuis dix sept siècles dans la fierté d’une indépendance obstinément conservée. Elle doit
son nom au saint ermite Marin, né au IVe siècle en Dalmatie, qui après avoir été, dit-on, tailleur de pierres et avoir comme
tel participé à la reconstruction des murailles de Rimini fut ordonne diacre par l’évêque de Brescia, Gaudens. Après quoi,
il se confina dans les forêts du Mont-Titan et es obtint l’entière propriété préférant une vie recluse d’ermite au contact
fréquent de la foule. Après une pieuse vie il s’éteignit saintement. Dès lors de nombreux pélerins vinrent prier sur sa tombe
; peu à peu devenu pélérinage ce lieu fût célèbre ; des auberges pour pélerins, puis quelques maisons s’y groupèrent insensiblement,
puis un village, une petite ville enfin. Et ce fut Saint-Marin telle à peu près qu’on peut la voir encore aujourd’hui. Ses
habitants formèrent une tribu politique, une grande famille en quelque sorte. Ce lien communautaire et solidaire les aide
au cours des siècles à résister aux approches envahissantes de la politique romaine, puis des évêques de Montefeltre et au
Moyen-Age aux emprises persistantes des tyrans voisins. Ils résistèrent aux menées de César, fils du pape Alexandre Borgia,
deux siècles plus tard à l’ambition du cardinal Alberoni et même en 1797 à Bonaparte qui leur avait envoyé le célèbre savant
Monge pour le offrir d’agrandir leur territoire moyennant, on le devine, de belles concessions à sons égard. A l’époque impériale
du Royaume d’Italie, Saint-Marin demeura libre et seule devenant selon les mots mêmes de Napoléon « un échantillon de République
» Plus tard elle accueillit Garibaldi traqué par les Autrichiens. En 1862 elle signa un traité commercial avec le nouveau
royaume d’Italie. Actuellement elle possède une représentation diplomatique, notamment en France et en Italie. Cette indépendance
ferme et tenace est un bel et noble exemple de solidarité nationale. Gouverné par un Conseil-Souverain de 60 membres,
pouvoir législatif qui confie l’exécutif à deux de ses membres, les capitaines-régents, conjointement au Congrès d’Etat,
composé de 10 membres nommés par le Conseil, la République accorde des titres et des prédicats. En vertu de la loi du 30 septembre
1930 les statuts de ceux-ci sont minutieusement établis. Ce qui est remarquable, c’est que les titres sont « assis » sur des
lieux déterminés du territoire : Montalbo, Acquaviva, Faetano, Montecchio, Fiorentino… Ces titres sont ceux-ci : Duc,
marquis, comte, vicomte, baron, noble et patricien. Ces titulaires furent reconnus en Italie jusqu’à la chute de la monarchie
aux personnages de nationalité italienne : parmi ceux-ci citons les Colonna, les Torlonia et Garampi. Le comte Cibrario, ministre
d’Etat italien qui signa en 1862 le traité commercial entre l’Italie et Saint-Marin était patricien de ce pays. Ils sont inscrits
régulièrement au Libro d’Oro della Nobiltà italiana ; en France, jusqu’en 1877 année à partir de la quelle on ne reconnu plus
l’autorisation du port des titres étrangers, seulement deux titres de Saint-Marin furent homologués (le baron Morin et le
duc d’Acquaviva). Mais plusieurs familles françaises possèdent d’authentiques titres par exemple les Pastré, Deville et Thesmar.
Certains titres sont héréditaires, d’autres personnels et peuvent être transmis par adoption régularisée en dûe forme à St-Marin.
Le Conseil accorde aussi des blasons, mais autorise ceux portés auparavant par les familles quand elles en possèdent un.
Agissant depuis des siècles, avec sagesse, habileté et diplomatie, la petite république a toujours su faire appel aux
compétences les plus variées des étrangers. Elle les honore en leur accordant l’un des titres dont nous venons d’évoquer l’existence.
Ainsi des italiens, des français, des belges, des hollandais, des allemands, des russes, des scandinaves et des américains
du Sud jouis-sent-ils de cet honneur, car c’en est un puisque les statuts de la République prévoient que les citoyens de l’Etat
ne peuvent jouir de prédicats. Mesure propre sans doute à conserver à la Nation son homogénéité nationale et à éviter toute
division intérieure et rivalité ; et aussi, disons-le, car la plus ancienne république européenne ne saurait manquer aux principes
républicains de l’antique Rome, son illustre devancière où l’empereur lui-même n’était que le chef suprême de la République.
(F. Koller)
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